Venise un jour, Venise toujours ?

Résultat de recherche d'images pour "grandi navi venise"

Venise admirée, célébrée, chantée, désirée, visitée. Venise qui fait rêver, qui nous exalte et excite ce qu’il y a de poétique en nous. Venise, Venise je viens , j’arrive.

Le taxi attend, il est 10H30. La Mercedes est là qui nous emmène jusqu’à Brussels Airport , l’aéroport de la capitale de la Belgique. Anciennement aéroport de Zaventhem, ensuite Aéroport de Bruxelles National et aujourd’hui Brussels Airport exprime à merveille la belgitude qui consiste à changer d’avis comme bon lui semble. Aujourd’hui ce qui est bien, demain ce sera mauvais et entretemps adaptons-nous, négocions, discutons, palabrons interminablement.

La mercedes se lance sur le ring. Le ring c’est la couronne,la bague qui entoure le doigt.Le ring c’est le contournement et en Italie c’est la tangentiale. La mercedes se lance et arrive à Brussels Airport, le taximan n’a pas pipé mot et encaisse ses 50 euros sans broncher.

L’avion traverse une zone de turbulence au dessus des Alpes. On distingue des petits villages éparpillés dans les vallées blanches. Les oreilles commencent à bourdonner lorsque l’appareil entreprend sa descente. Le ciel est clairsemé de nuages et l’on distingue l’arrière-pays Vénitien et des morceaux de lagune .

De l’aéroport Marco Polo à l’embarcadère Alilaguna un agréable piétronnier semi-couvert. De minutes en minutes des indications annoncent qu’il ne reste plus que quelques minutes et après 10 minutes nous arrivons .

Nous arrivons avec le syndrome de Lampedusa, la pirateria, la contrefaçon et un second Tchernobyl Japonnais maintenant.

En Belgique rien ne s’arrange, mais tout va s’arranger car lors du Traité de Campo-Formio Napoléon a livré Venise au Habsbourg en échange de la Belgique. Et depuis nous sommes condamnés à rester ensemble . C’est à ne rien comprendre et on s’en fou !

L’Alalilaguna attend le long du quai, pas exactement, plutôt perpendiculairement au quai. Ici on aime les pontons, c’est une question de profondeur et aussi de place.

Le bateau attend les voyageurs qui attendent l’heure, l’instant, le moment où l’on pourra embarquer. Ce n’est pas une file, c’est un attroupement humain avec des valises à roulettes et dont les numériques crépitent et les cellulare n’arrêtent pas de s’arrêter.

Le bateau n’a pas les pointes aux extrémités et une proue en acier luisant. On n’est plus à l’époque de Lord Byron , Alfred de Musset ou Guy de Maupassant. Ils sont tous passés par ici et nous ont envoyé des considérations lyriques sur le sujet. Une forme de paranoïa.

Nous sommes en avril 2011.

Le bateau prend la lagune et le moteur vrombit. La vitesse est réglementée et il ralenti lorsqu’une autre embarcation vient en sens inverse pour diminuer le tangage.

Les passagers n’apprécient pas la vélocité du balancement car ils ferment les fenêtres pour se protéger de la houle marine. Le bateau glisse imperturbablement en portant notre désir d’arriver. La lenteur est omniprésente car la vitesse dans la lagune dépasse rarement dix kilomètres heure.

Au loin on croit apercevoir des barènes où Ernest Hemingway chassait les canards et se faisait photographier par son photographe. Mais c’est une illusion. L’important c’est d’y croire. Alors en Vénitie Ernest Hemingway du lever au coucher se promenait avec son photographe.

On arrive au Bacino, San Elena, Giardini et l’Arsenal. Ici pas de grand canal, pas de ponts, pas de grand palais car après la lagune se retrècit, devient carton pâte, café concert, belles vitrines, boutiques , Harry’s bar et café Florian.

Venise c’est Venise sans San Marco qui absorbe et digère les touristes. Est-ce possible ?

 Il est impossible pour un touriste qui arrive à Venise pour la visiter et y rester quelques nuits, souvent une ou deux ou parfois trois de goûter la beauté de Venise. Pour l’apprécier il faut l’apprivoiser, s’y installer pour quelques semaines et se mettre au rythme de la lagune.

 Les voyageurs d’un jour ou deux sont des obsédés qui éprouvent une indigestion de beauté occasionnelle qu’ils sont incapables de décrire. Gravir les marches du Rialto ou arpenter San Marco inondée de monde qui parlent la langue de Babel, qui font la file interminablement pour regarder l’intérieur de San Marco, la Tour de l’Horloge ou traverser le Palais des Doges avant que la fournée suivante arrive procure une sensation d’étouffement. La dose de beauté est tellement importante que durant le sommeil des manifestations psychologiques sont éprouvées par les touristes qui ne supportent pas cette accumulation esthétique. Leurs nuits sont ébranlées et lendemain matin lorsqu’il faudra préparer les valises pour le retour ils éprouveront une lancinante tristesse.

 

Les Vénitiens qui vont au travail, qui accélèrent le pas pour ne pas rater le vaporetto de 7h50 après être passé au bar pour un café stretto et une brioche ou un cornetto n’a pas conscience des doses visuelles des calli, des rio, des ramo, ils n’ont pas cette indigestion dont parlent les touristes , ils n’ont pas cette surcharge de beauté car ils ne s’en rendent pas compte. 

Aucun Vénitien n’a subit une apoplexie esthétique devant la Ca d’Oro. Et moi non plus.

Venise c’est aussi une ville où il n’y a plus de place pour construire de nouveaux immeubles ou d’imposantes réalisations comme la Défense ou la Pyramide du Louvre à Paris.

La seules construction récentes sont le Ponte de la Constituzione, qui va de la Piazzale Roma à la gare ferroviaire en enjambant le grand canal et le PMV, people mover un train automatique qui enjambe sur un pont le canale di Chiara pour aboutir par campo S Andrea en trois minutes pour environ un euro. A Tronchetto d’immenses paquebots déversent des milliers de voyageurs en juillet 2010 2800 passagers ont emprunté le PMV par jour.

A Venise il a déjà été question de grandes réalisations, dont un métro sous la lagune entre le Lido et la Piazzale Roma. Etait-ce un poisson d’avril ?

Par contre lors des Biennale on ne vénère pas le passé, on vénère le futur dans des bâtiments du passé, l’Arsenale construit  en 1104  et les pavillons de la Biennale ont-été construits entre 1909 et le dernier en 1991 .

Envahissement ?

Les touristes arrivent, ceux d’un jour principalement Piazzale Roma où ils sont débarqués par des pulman venant de Trévise où les low cost les ont débarqué à 7H30. Le premier de leur objectif est San Marco, ils hésitent entre la linéa 1 et la 2. Mais ils arrivent.

D’autres arrivent par bateaux d’excursions d’un jour. Ils débarquent à San Zaccaria riva degli Schiavoni. Ils sont accueillis par des vendeurs de contrefaçons, des sacs et des paires de lunettes grossièrement imitées, suffisamment pour que la loi pénale ne s’applique pas.

Les touristes se rassemblent, se compactent autour du guide qui parle dans la langue de babel avec son micro télécommandé et qu’écoutent les touristes avec des oreillettes plantées dans les oreilles.

Munis de leur appareil numérique il vont numériser sur leur carte numérique 4 Gb, chacun, 8427 images en résolution 10 millions de pixel. Des images qu’ils ne vont jamais regarder, sauf l’une ou l’autre.

A Venise il y a des milliers d’endroits qui vont du sublime ou pittoresque .

Au 18e siècle un modeste coin de canal, une banale perspective sur le Salute ou sur une gondole a été peinte par des centaines de Rubens et de Tiepolo. Aujourd’hui encore les dessinateurs en herbe ne manquent pas de proposer l’exceptionnelle gouache d’un petit coin de Venise.

Y aurait-il des milliards de photos, de peintures, d’esquisses, de photos numériques de Venise qu’il n’y en aurait pas.

Quelles images retiendrons-nous dans cinquante ans pour concurrencer celles du début de la photographie et celles de Carlo Naya photographe à Venise en 1870. Admirons ces images car ce ne sera jamais pareil.  

Pour percer les mystères d’une ville il faut y rester assez longtemps pour oublier les sites touristiques, les restaurants, les cafés , oublier les belles églises, les grands palais et les beaux musées. Aussi oublier d’où l’on vient et où l’on va. Dans « Histoire de Venise  » d’Alvise Zorzi il raconte qu’à l’origine Venise faisait partie de la province romaine appelée Cittanova.

Venise serait-elle encore une Terra Nova ?